(The following is a note on intentions by Alexander Grothendieck extracted from his `Esquisse d'un programme')

 

Depuis le mois de mars de l'an dernier, donc depuis pres d'un an, la plus grande partie de mon energie a été consacrée a un travail de réflexion sur les fondements de l'algèbre (co)homologique non commutative ou ce qui revient au même, finalement, de l'algèbre homotopique. Ces réflexions se sont concrètisée par un volumineux paquet de notes dactylographiées, destinées a former le premier volume (actuellement en cours d'achèvement) d'un ouvrage en deux volumes a paraître chez Hermann, sous le titre commun ``À la Poursuite des Champs". Je prévois actuellement (aprés des elargissements successifs du propos initial) que le manuscript de l'ensemble des deux volumes, que j'espère en cours d'année pour ne plus avoir à y revenir, fera dans les 1500 pages dactylographiées. Ces deux volumes d'ailleurs sont pour moi les premiers dans une série plus vaste, sous le titre commun ``Réflexions Mathématique", ou je compte développer tant soit peu certains des thèmes esquissés dans le présent rapport.

Vu qu'il s'agit d'un travail en cours de rédaction, et même d'achèvement, dont le premier volume sans doute paraître cette année et contiendra une introduction circonstanciée, il est sans doute moins interessant que je m'étende ici sur ce thème de réflexion, et me contenterai donc d'en parler très brièvement. Ce travail me semble quelque peu marginal par rapport aux thèmes que je viens d'esquisser, et ne represent pas (il me semble) un véritable renouvellement d'optique ou d'approche par rapport à mes intérêts et ma vision mathématiques d'avant 1970. Si je m'y suis résolu soudain, c'est presque en déserpoir de cause, alors que près de vingt ans se sont écoulés depuis que se sont posées en termes bien clair un certain nombre de questions visiblement fondamentales, et mûres pour être menées a leur terme, sans que personne ne les voie, ou prenne la peine de les sonder. Aujourd'hui encore, les structures de base qui interviennent dans le point de vue homotopique en topologie, y compris même en algebre homologique commutative, ne sont pas comprises, et `a ma connaissance, apres les travaux de Verdier, de Giraud et d'Illusie sur ce thème (qui constituent autant de ``coups d'envoi" attendant toujours une suite... ) il n'y a pas eu d'effort dans ce sens. Je devrais faire exception sans doute pour le travail d'axiomatisation fait par Quillen sur la notion de catégorie de modèles, a la fin des années 60, et repris sous des variantes diverses par divers auteurs. Ce travail a l'époque, et maintenant encore, m'a beaucoup séduit et appris, tout en allant dans une direction assez différent de celle qui me tenait et tient à coeur. Il introduit certes des catégories derivées dans divers contextes non commutatifs , mais sans entrer dans la question des structures internes essentielles d'une telle catégorie, laissee ouverte egalement dans le cas commutatif par Verdier, et apres lui par Illusie. De meme, la question de mettre le doigt sur les ``coefficients" naturels pour un formalisme cohomologique non commutatif, au dela des champs (qu'on devrait appeler 1-champs) étudiés dans le livre de Giraud, restait outverte - ou plutôt, les intuitions riches et precises qui y repondent, puisees dans des exemples nombreux provenant de la geometrie algebrique notamment, attendent toujours un langage precis et souple pour leur donner forme.

Je reviens sur certains aspects de ces questions de fondements en 1975, à l'occasion (je crois me souvenir) d'une correspondance avec Larry Breen (deux lettres de cette correspondance seront reproduites en appendice au Chap. I du volume 1, ``Histoire de Modèles", de la Poursuite des Champs). A ce moment apparait l'intuition que les ¥-groupoïdes doivent constituer des modèles, particulierement adéquats, pour les types d'homotopie, les n-groupoïdes correspondant aux types d'homotopie tronqués (avec pi = 0 pour i > n). Cette même intuition, par des voies trés différentes, a été retrouvée par Ronnie Brown a Bangor et certains de ses élèves, mais en utilisant une notion de ¥-groupoïde assez restrictive (qui, parmi les types d'homotopie 1-connexes, ne modélise que les produits d'espaces d'Eilenberg-Maclane). C'est stimulé par une correspondance à batons rompus avec Ronnie Brown, que j'ai finalement repris une reflexion, commencant par un essai de definition d'une notion de ¥-groupoïde plus large (rebaptise par la suite ``champ en ¥-groupoïdes" ou simplement ``champ", sous-entendu : sur le topos ponctuel), et qui de fil en aiguille m'a amené a la Poursuite des Champs. Le volume ``Histoire de Modèles" y constitue d'ailleurs une digression entièrement imprévue par rapport au propos initial (les fameux champs étant provisoirement oubliés, et n'étant prévus réapparaït're que vers les pages 1000 environ . .. ).

Ce travail n'est pas entièrement isolé par rapport à mes intérêt plus récents. Par exemple, ma reflexion sur les multiplicités modulaires Mg,nÙ et leur structure stratifiée a relancé une reflexion sur théorème de van Kampen de dimension > 1 (un des thèmes de prédilection également du groupe de Bangor), et a peut-être contribué a preparer le terrain pour le travail de plus grande envergure l'année d'après. Celui-ci rejoint egalement par moments une réflexion datant de la même année 1975 (ou l'année d'après) sur un ``complexe de De Rham a puissances divisées", qui a fait l'objet de ma dernière conférence publique, a l'IHES en 1976, et dont le manuscrit, confié je ne me rappelle plus qui après l'exposé, est d'ailleurs perdu. C'est au moment de cette réflexion que germe aussi l'intuition d'une ``schematisation" des types d'homotopie, que sept ans après j'essaye de preéciser dans un chapitre (particulière hypothétique) de I'Histoire de Modèles.

Le travail réflexion entrepris dans la Poursuite des Champs est un peu comme une dette dont je m'acquitterais, vis-à-vis d'un passé scientifique ou, pendant une quinzaine d'années (entre 1955 et 1970), le développement d'outils cohomologiques a été le Leitmotiv constant, dans mon travail de fondements de la géométrie algébrique. Si la reprise actuelle de ce thème-là a pris des dimensions inattendues, ce n'est pas cependant par pitié pour un passé, mais a cause des nombreux imprevus faisant irruption sans cesse, en bousculant sans ménagement les plans et propos prevus - un peu comme dans un conte des mille et une nuits, où l'attention se trouve maintenue en haleine à travers vingt autres contes avant de connaître le fin mot du premier.

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On 6 Jan 2008, 21:07.